Un an et demi de transformation de la fonction publique : et après ?

Par Alexis Deprau

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La loi de transformation de la fonction publique a été promulguée le 6 août 2019. Cela fait maintenant un an et demi que des décrets d’application participent à mettre en œuvre la réforme de la fonction publique du quinquennat.

Peut-on déjà tirer un rapide bilan des premières mesures appliquées ? Où en est-on de l’adoption du reste des textes d’application ?

Éléments de réponse dans cet article qui aborde les chantiers déjà en cours et rappelle les échéances encore attendues.

1. Rappel sur le premier bilan dressé une année après sa promulgation

Modifier profondément le statut des fonctionnaires, telle était la volonté de l’exécutif qui cherchait par cette loi à donner « les leviers nécessaires à la conduite des transformations publique ».

Sans dresser une « liste à la Prévert », de nombreux domaines ont été concernés par la vingtaine de décrets d’application publiée à ce jour, sans compter la modification de la loi du 13 juillet 1983, pour ce qui concerne le compte personnel de formation (L. no 83-634, 13 juill. 1983, art. 22 quater).

Ces divers domaines ont principalement concerné la gestion RH et la carrière des agents dans la fonction publique territoriale avec notamment la mise en œuvre du compte personnel d’activité dans la fonction publique et la formation professionnelle tout au long de la vie ou encore recrutement direct dans la fonction publique territoriale.

Par ailleurs, cette loi a aussi permis d’avancer dans le domaine de la déontologie, avec les contrôles déontologiques, ainsi que la modification de la liste des emplois soumis à l'obligation de transmettre une déclaration d'intérêts et des modalités de transmission de cette déclaration d'intérêts.

Autre thème important, les décrets d’application ont aussi porté sur l’égalité professionnelle, puisque l’un des buts affichés de la loi de transformation de la fonction publique est la mise en place de plans d’action relatifs à l’égalité professionnelle. Ainsi, le décret no 2020-256 du 13 mars 2020 a eu pour vocation de préciser le dispositif de signalement des actes de violence, de discrimination, de harcèlement et d'agissements sexistes (voir « Violence, harcèlement, sexisme : un dispositif de signalement », mai 2020).

De même, le décret no 2020-528 du 4 mai 2020 a défini les modalités d’élaboration et de mise en œuvre des plans d’action relatifs à l’égalité professionnelle dans la fonction publique. Ici, chaque collectivité territoriale et chaque établissement public de coopération intercommunale (EPCI) de plus de 20 000 habitants doit élaborer, d’ici le 31 décembre 2020, un plan d’action relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (voir « Égalité professionnelle : des précisions quant aux modalités d'élaboration et de mise en œuvre des plans d'action », mai 2020).

Enfin, d’autres décrets d’application sont intervenus pour les travailleurs handicapés (que ce soit pour le recrutement, ou l’accès par la voie du détachement à un corps ou un cadre d’emplois de niveau ou de catégorie supérieure).

Les premiers objectifs et points d’étape ont été atteints durant cette année dans l’idée de transformer et simplifier la gestion des ressources humaines, de simplifier le cadre de gestion des agents publics, mais encore de renforcer l’égalité professionnelle.

Ce n’est qu’après août 2020, que des décrets ont été édictés s’agissant du volet de la réforme visant à promouvoir un dialogue social plus stratégique et efficace dans le respect des garanties des agents publics.

2. Quelles grosses échéances depuis août 2020 pour une application en 2021 et 2022 ?

La loi Transformation de la fonction publique a modifié en profondeur l’architecture des instances de dialogue social dans les collectivités et leurs groupements. Ainsi, le décret no 2020-1296 du 23 octobre 2020 détermine les modalités d'attribution et de calcul de l'indemnité de fin de contrat dans la fonction publique (voir « Agents contractuels de la fonction publique : parution du décret sur l’indemnité de fin de contrat », oct. 2020). Ces dispositions sont intégrées aux décrets régissant les principes généraux applicables aux agents contractuels dans les trois versants de la fonction publique.

Ensuite, le décret no 2019-1265 du 29 novembre 2019 a instauré des lignes directrices de gestion définissant la stratégie pluriannuelle de pilotage des ressources humaines, les orientations générales en matière de promotion et de valorisation des parcours professionnels (voir « Évolutions des attributions des commissions administratives paritaires : publication d’un nouveau décret », févr. 2020). Ces lignes directrices permettent de tracer une nouvelle stratégie RH.

D’ailleurs, depuis le 1er janvier 2020, les décisions individuelles en matière de mutation et de mobilité ne sont plus soumises à l’avis préalable des commissions administratives paritaires (CAP). Ces instances n’auront plus à connaître des avancements et des promotions à partir du 1er janvier 2021. En effet, toutes ces décisions seront prises à l’aune des lignes directrices de gestion établies par l’autorité territoriale, après avis du CT puis du futur comité social territorial, après le renouvellement général des instances en 2022.

Une importante ordonnance a été rendue le 25 novembre 2020 sous le numéro 2020-1447. Elle concerne les règles relatives à la santé et à la famille des agents publics. Celle-ci vise à créer ou modifier diverses dispositions en matière de protection sociale des agents publics. Attention : les règles d’entrée en vigueur des différents articles sont variables notamment en raison du fait que certaines dispositions devront être précisées par des décrets d’application.

Elle concerne plus précisément :

  • l’aptitude physique dans l'entrée dans la fonction publique ;
  • les instances médicales de la fonction publique (qui fonctionneront à partir du 1er février 2022) ;
  • les congés de maladie et le temps partiel thérapeutique (les nouvelles règles sur les congés pour raison de santé seront applicables au 1er février 2022 et celles sur le temps partiel thérapeutique au plus tard le 1er juin 2021) ;
  • le reclassement pour inaptitude médicale ;
  • les congés de parentalité (l'allongement du congé de paternité à 28 jours est prévu au 1er juillet 2021).

Enfin, il ne pas non plus oublier le récent décret no 2020-1493 du 30 novembre 2020, dont l’ambition est de fixer les conditions et modalités de mise en œuvre du rapport social unique (RSU) et d’une base de données sociales (BDS) dans les administrations publiques. Il précise le périmètre, la portée, le contenu et les règles de mise à disposition et de confidentialité de la base de données sociales et du rapport social unique.

NB : un décret en Conseil d'État définira les conditions d'attribution de ces congés, notamment pour maintenir le fractionnement du congé de paternité et d'accueil de l'enfant spécifique à la fonction publique, qui sera à mettre en lien avec la loi de financement de sécurité sociale pour 2021.

3. Que restera-t-il comme échéance pour 2022 ?

Si l’ordonnance du 25 novembre 2020 prévoit d’ores et déjà des applications pour 2022, il faut savoir que certaines dispositions nécessiteront des décrets complémentaires d’ici l’année prochaine.

Ainsi, un décret est en attente concernant la singularisation de la visite médicale d’embauche par le médecin agréé avec l’objectif de non-discrimination au regard de l’état de santé des candidats aux emplois publics (pour une application au plus tard le 26 novembre 2022).

De même, la clarification des droits à congé de longue maladie et à congé de longue durée nécessite aussi un futur décret. Celui-ci devrait donner des précisions concernant les dispositions en matière de fractionnement et de portabilité en cas de mobilité (avec une application au plus tard le 1er février 2022).

Surtout, si un décret du 20 novembre est intervenu pour la mise en place future du comité social d’administration (CSA), il faut encore attendre l’édiction du décret portant sur le comité social territorial (CST), qui absorbera les comités techniques (CT) et les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Ce décret (précisant la composition, les attributions et la procédure électorale) devrait intervenir prochainement, puisqu’il y aura le renouvellement de ces instances pour décembre 2022, au sein de ces nouveaux comités sociaux territoriaux.

4. Quelles attentes et évaluations pour la suite ?

Il n’y a pour le moment aucun bilan réalisé sur la loi de transformation de la fonction publique à la fin de l’année 2020. Tout au plus sait-on qu’au début du mois de septembre 2019, était annoncée la préparation d’une cinquantaine de décrets et ordonnances, en sachant qu’une grande partie a déjà été édictée.

En résumé, il faudra retenir que l’idée principale est que, dans la pratique, la loi (et ses décrets d’application) permet d’apporter des réponses concrètes aux attentes des usagers des services publics, partout sur le territoire, tout en améliorant rapidement les conditions de travail des agents publics et leurs perspectives d’évolution professionnelle.